January 19, 2011

«Austriae est imperare orbi universo»

Surplombant la vallée de l’Aar (Suisse), cette modeste bâtisse fortifiée semble anodine. Pourtant, elle est l’origine d’une dynastie qui domina l’Europe de la péninsule ibérique au Péloponnèse durant près de 600 ans: les Habsbourg.

Un corps de logis au plan rectangulaire à trois niveaux marqués par des lucarnes aménagées dans la façade et couvert d’une toiture à double pente; un donjon de dix mètres carrés de surface : bienvenue à la Habitchtsburg (Habsbourg) – « château des vautours » - berceau de la dynastie éponyme érigé aux environs de mille-vingt au sommet du Wülpelsberg.

Comment les propriétaires de ces lieux – somme toute peu reluisants - purent embrasser la destinée qu’on leur connaît? L’explication réside dans le fonctionnement même du Saint-Empire-Germanique, fondé par Otton Ier en 962.

Assemblage composite de cités et de territoires, celui-ci fut sans cesse en proie à des tensions propres à précipiter son implosion. C’est pourquoi les princes-électeurs formant la Diète s’employèrent à conférer le pouvoir à des personnalités effacées, peu à même de gêner leurs agissements. C’est ainsi que Rodolphe Ier accéda aux plus hautes fonctions en 1273.

Près de deux-cents ans plus tard, un de ses descendants devint Empereur à son tour. Il s’agit de Frédéric III, l’auteur de la devise des Habsbourg, dont la version latine sert de titre à notre article: «Il appartient à l’Autriche de commander à tout l’Univers». Considéré comme le visionnaire de la dynastie, il comprit rapidement que de bons mariages valent souvent bien mieux qu’un conflit armé. C’est ainsi qu’il assit sa domination sur les actuels Pays-Bas en faisant de son fils – Maximilien Ier – l’époux de Marie de Bourgogne, héritière du Royaume de Bourgogne que convoitait Louis XI.

Vinrent ensuite des personnalités non moindres, parmi lesquelles Charles Quint - ennemi juré de François Ier qu’il humilia en le faisant captif – et Marie-Antoinette, épouse de Louis XVI, popularisée par le film de Sofia Coppola.

Un évènement dramatique - qui atteste, s’il est besoin, les indéfectibles liens unissant le destin de cette famille à celui de l’Europe - précipita sa chute: l’assassinat de l’Archiduc Franz Ferdinand d’Autriche le 28 juin 1914 à Sarajevo.

Une si grande histoire pour une architecture presque invisible: une véritable leçon d’humilité qui nous amène, une fois encore, à méditer les écrits de l’historien d’art Élie Faure.

January 17, 2011

L'avènement du marché de l'art québécois

S’il connut un développement sans précédent au cours des dernières années, le marché de l’art québécois n’est, pour autant, pas un produit de la contemporanéité : bref retour sur une histoire plusieurs fois centenaire.

L’existence d’un marché de l’art postule d’abord l’existence d’un goût pour l’art: or, ce dernier ne peut se développer qu’une fois les conditions élémentaires de vie réunies. Il en fut ainsi à la fin du XVIIe siècle sous l’intendance de Jean Talon (1665-1672, voir gravure de Théophile Hamel reproduite ci-dessous) qui dota la Colonie de Neuve-France d’une économie dynamique rendant possible son autosubsistance.

Une production artistique locale est ensuite requise: celle-ci se développa au cours du XVIIIe siècle. Les missionnaires européens, exploitant la vague de curiosité qui agitait la métropole, publièrent des recueils de gravures aux noms teintés d’exotisme. L’engouement fut rapide et plusieurs peintres français vinrent séjourner en Neuve France, tel frère Luc, qui décorèrent de nombreuses églises. D’artistes, ils se firent maîtres et enseignèrent leur art aux autochtones. C’est ainsi qu’apparurent les premières œuvres picturales à proprement parler québécoises, des images pieuses destinées au culte (ex-votos) ou à l’évangélisation, suivies de près par de véritables tableaux, fruits du travail d’artistes à part entière tels que Jean Guyon et Pierre Le Ber.

L’avènement d’une classe moyenne est nécessaire: ce fut chose faite après une période creuse due à la Guerre de Sept Ans (1756-1763). La peinture québécoise connut alors un essor considérable. Une vague de portraits soutenue par la nouvelle bourgeoisie traversa la période allant de 1780 à 1840 pour culminer aux alentours de 1850. Le paysage se développa comme un genre à part entière. Certains artistes, tel François Beaucourt, prirent alors conscience des limites de leur métier et entreprirent des voyages d’études de par l’Europe afin de se perfectionner. La production de tableaux se démultiplia.

Cristallisant toutes ces évolutions, le XIXe siècle marque un tournant dans l'histoire du marché de l’art québécois: la Révolution française fit fuir de nombreux ecclésiastiques qui dynamisèrent le marché de l’art par les nombreuses commandes qu’ils passèrent afin de décorer les églises construites en proportion de l’augmentation démographique.

L’un d’eux (mais non le moindre), l’Abbé Philippe Desjardins (1753-1833), marqua les esprits par la mise à l’encan de deux cents œuvres au printemps 1817 à Québec (voir photographie ci-contre: la «Présentation de Jésus au Temple» par Louis de Boullogne Le Jeune). Celles-ci avaient été acquises en 1803 auprès d’un banquier parisien ruiné et provenaient des églises parisiennes pillées lors de la Révolution.

L’engouement pour ses tableaux européens de « grand style » fut immédiat et considérable, fussent ils de piètre qualité comme le laissent à penser les commentaires de Monseigneur Joseph-Octave Plessis: «Peu de morceaux qui ne soient au dessus du commun, à 40, à 50, à 60 louis, ils ne portent pas à terre ». Les archives mentionnent des Champaigne, Vouet, Le Brun et autre Coypel. La vente fut un succès et ceux qui n’avaient pu se procurer un tableau se rabattirent sur des copies qui proliférèrent. Plusieurs commerçants – parmi lesquels Balzaretti, Fabre et Raffenstein - prirent alors conscience des possibilités offertes par le marché de l’art et se consacrèrent à l’importation de tableaux: le marché de l’art québécois était né.

January 16, 2011

Patrimoine abandonné

Il est des lieux méconnus et délaissés... La minoterie de Couterne (Orne), propriété de la Famille Croissant depuis son édification, est de ceux-ci.

Inscrite à l’inventaire des monuments historiques en juin 1995, érigée en 1919 par l’architecte Léon Bénard, elle marque par sa façade où dialoguent le rouge des briques et le bleu des mosaïques. En cela, elle s’inscrit parfaitement dans le courant de l’architecture d’ingénierie qui marqua le tournant du siècle, et n’est pas sans évoquer la fabrique de chocolat Menier de Noisiel (Seine-et-Marne) conçue par Jules-Émile Saulnier (1817-1881).

Le patrimoine Ornais doit beaucoup à Léon Bénard, notamment la villa Printania et le Castel de Bagnoles de l’Orne (photographie ci-dessous). Son style, bien qu’inclassable, est aisément reconnaissable: multitudes des matériaux de construction; richesse de l’ornementation des façades avec subtils jeux colorés et fer forgé; usage de la pierre de forêt et recours aux épis de faîtages.

Espérons que cette minoterie, témoignage de notre patrimoine industriel, survivra à sa désaffectation (1984).

Rue de la Petite-Vitesse, Couterne, 61410.

October 04, 2010

27°09S 109°27’O

Sise aux confins du monde, l’Ile de Pâques hante encore et toujours l’imaginaire commun. Le musée Pointe-à-Callière ne s’y est pas trompé en lui consacrant une grande exposition, regroupant pas moins de 200 artéfacts en provenance de musées du monde entier, qui devrait à coup sûr drainer les foules. Dans un espace qui, à l’évidence, ne s’y prête pas…



Une après-midi de semaine comme les autres à Montréal, à ceci près que nous sommes en été et que les touristes sont nombreux. 13 heures, Pointe-à-Callière. D’emblée, l’espace d’exposition marque par son caractère étriqué : une plate-forme octogonale bondée ; des visiteurs faisant patiemment la queue, espérant visionner les vitrines suivantes ou déchiffrer les cartels masqués ; une seule porte faisant office d’entrée et de sortie. La visite ne s’annonce pas des plus tranquilles.

Conscients de la spécificité de l’espace, les curateurs ont pourtant redoublé d’ingéniosité pour faciliter la déambulation ou, devrais-je dire, la circumambulation ! Ainsi, le panneau d’introduction, adjoint d’une pagaie vernaculaire, nous invite à embarquer pour l’île, laquelle est symbolisée par la projection, en partie centrale, d’un moai autour duquel s’organise l’exposition giratoire. Peu convaincant…


Les débats muséographiques et muséologiques ne sauraient, toutefois, affecter la qualité de cette exposition. Les objets rassemblés forment un ensemble représentatif des différentes productions insulaires, permettant d’aller au-delà de l’image carte-postale : pas de moai monumental de tuf tels que ceux du British Museum et du Louvre ; en revanche, des pétroglyphes, statuettes monoxyles, « étoffes » tapa, coiffes et outils nous sont donnés à voir comme autant d’illustrations des mythes, rites et pratiques de cette société.

Textes explicatifs et médiateurs disponibles et compétents complètent à merveille le dispositif muséographique. Vous ressortirez instruits de ce voyage imaginaire !

ÎLE DE PÂQUES
Métro Place d'Armes
Du 8 juin au 14 novembre 2010

« Des perles incontrôlables suintent hors les murs. »

Fort de sa riche Collection Borduas, le Musée d’Art Contemporain (MAC) de Montréal consacre une rétrospective à l’artiste décédé il y a 50 ans. L’occasion de découvrir ou de redécouvrir son Œuvre au fil d’un parcours visuel chronologique et représentatif de l’évolution de sa pratique picturale.

L’exposition s’ouvre par quelques gouaches sur papiers et huiles sur toile du début des années 1940, parmi lesquelles on note la présence d’un Chantecler (1942), sans que l’on ne sache s’il s’agit là d’une référence à Rostand. Les compositions sombres marquent par leur caractère fermé. La figure y est encore présente, traitée en grands aplats ceints de traits noirs, à l’instar des productions Nabi. Déjà les formes s’évanouissent, laissant place à des motifs abstraits.


Aux confins des années 40 se dessine un véritable tournant dans la carrière de l’artiste. Thuriféraire du mouvement Automatiste, Borduas rédige le Manifeste du Refus Global, publié le 9 août 1948. Plus qu’un simple traité pictural, le texte exhorte le peuple Québécois à changer son mode de vie du tout au tout : exit l’esprit utilitaire sociétal ; exit l’Eglise responsable de tant de maux. Place à la « magie », à « l’amour » et aux « mystères objectifs » ; à une transformation en profondeur de l’art pictural, « réserve poétique » au sein de laquelle l’émotion doit pénétrer.

Dès lors, Borduas délaisse le figuralisme au profit de compositions picturales inspirées techniquement et plastiquement de la scène américaine contemporaine. Les toiles s’agrandissent ; la matière se déploie sous le couteau de l’artiste ; les couleurs se font plus vives, les compositions plus ouvertes et éclatées.

Toutefois, ce florilège de couleurs ne dure qu’un temps et, quelques années plus tard, le blanc domine, ponctué de ci de là par des tâches noires. Ces dernières conquièrent progressivement l’espace pictural pour finalement y asseoir leur prépondérance. C’est alors que prend fin la vie de l’artiste, non celle de son Œuvre.


De fait, sa postérité est nombreuse : beaucoup de peintres québécois et canadiens s’en réclament. L’équipe curatoriale dirigée par Josée Bélisle en a sélectionné quatre (François Lacasse, Guy Pellerin, Roland Poulin et Irene F. Whittome) qui, outre la présentation de certaines de leurs œuvres, furent étroitement associés au choix des tableaux de Borduas.

Cette démarche contrapuntique, fondée sur la pluralité des points de vue, ne peut qu’être saluée et participe d’une réflexion plus globale sur la manière de concevoir une rétrospective. Celle dont il est question est sans nul doute réussie.

BORDUAS : « Les frontières de nos rêves ne sont plus les mêmes »
MAC Montréal
Métro Place des Arts
Du 24 avril au 3 octobre 2010

J'irai revoir ma Normandie

Mardi 5 octobre 2010 : Naissance du Blog « Le MonOcle.ca »

Ce Blog est dévolu à l’actualité culturelle et du marché de l’art. Il couvre principalement Montréal et l'Amérique du Nord. Il tire son nom de la trilogie filmographique de Georges Lautner (extrait disponible ci-dessous). Bonne lecture! Et n'hésitez pas à laisser des commentaires.

Tuesday, October 5, 2010: Birth of the blog « Le MonOcle.ca »

This Blog is devoted to cultural and art market news. It focus on Montreal and North America. Its title refers to "The Monocle" film trilogy by Georges Lautner (see below). Enjoy your visit and do not hesitate to leave a message!



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