October 04, 2010

« Des perles incontrôlables suintent hors les murs. »

Fort de sa riche Collection Borduas, le Musée d’Art Contemporain (MAC) de Montréal consacre une rétrospective à l’artiste décédé il y a 50 ans. L’occasion de découvrir ou de redécouvrir son Œuvre au fil d’un parcours visuel chronologique et représentatif de l’évolution de sa pratique picturale.

L’exposition s’ouvre par quelques gouaches sur papiers et huiles sur toile du début des années 1940, parmi lesquelles on note la présence d’un Chantecler (1942), sans que l’on ne sache s’il s’agit là d’une référence à Rostand. Les compositions sombres marquent par leur caractère fermé. La figure y est encore présente, traitée en grands aplats ceints de traits noirs, à l’instar des productions Nabi. Déjà les formes s’évanouissent, laissant place à des motifs abstraits.


Aux confins des années 40 se dessine un véritable tournant dans la carrière de l’artiste. Thuriféraire du mouvement Automatiste, Borduas rédige le Manifeste du Refus Global, publié le 9 août 1948. Plus qu’un simple traité pictural, le texte exhorte le peuple Québécois à changer son mode de vie du tout au tout : exit l’esprit utilitaire sociétal ; exit l’Eglise responsable de tant de maux. Place à la « magie », à « l’amour » et aux « mystères objectifs » ; à une transformation en profondeur de l’art pictural, « réserve poétique » au sein de laquelle l’émotion doit pénétrer.

Dès lors, Borduas délaisse le figuralisme au profit de compositions picturales inspirées techniquement et plastiquement de la scène américaine contemporaine. Les toiles s’agrandissent ; la matière se déploie sous le couteau de l’artiste ; les couleurs se font plus vives, les compositions plus ouvertes et éclatées.

Toutefois, ce florilège de couleurs ne dure qu’un temps et, quelques années plus tard, le blanc domine, ponctué de ci de là par des tâches noires. Ces dernières conquièrent progressivement l’espace pictural pour finalement y asseoir leur prépondérance. C’est alors que prend fin la vie de l’artiste, non celle de son Œuvre.


De fait, sa postérité est nombreuse : beaucoup de peintres québécois et canadiens s’en réclament. L’équipe curatoriale dirigée par Josée Bélisle en a sélectionné quatre (François Lacasse, Guy Pellerin, Roland Poulin et Irene F. Whittome) qui, outre la présentation de certaines de leurs œuvres, furent étroitement associés au choix des tableaux de Borduas.

Cette démarche contrapuntique, fondée sur la pluralité des points de vue, ne peut qu’être saluée et participe d’une réflexion plus globale sur la manière de concevoir une rétrospective. Celle dont il est question est sans nul doute réussie.

BORDUAS : « Les frontières de nos rêves ne sont plus les mêmes »
MAC Montréal
Métro Place des Arts
Du 24 avril au 3 octobre 2010

No comments:

Post a Comment