Surplombant la vallée de l’Aar (Suisse), cette modeste bâtisse fortifiée semble anodine. Pourtant, elle est l’origine d’une dynastie qui domina l’Europe de la péninsule ibérique au Péloponnèse durant près de 600 ans: les Habsbourg.
Un corps de logis au plan rectangulaire à trois niveaux marqués par des lucarnes aménagées dans la façade et couvert d’une toiture à double pente; un donjon de dix mètres carrés de surface : bienvenue à la Habitchtsburg (Habsbourg) – « château des vautours » - berceau de la dynastie éponyme érigé aux environs de mille-vingt au sommet du Wülpelsberg.
Comment les propriétaires de ces lieux – somme toute peu reluisants - purent embrasser la destinée qu’on leur connaît? L’explication réside dans le fonctionnement même du Saint-Empire-Germanique, fondé par Otton Ier en 962.
Assemblage composite de cités et de territoires, celui-ci fut sans cesse en proie à des tensions propres à précipiter son implosion. C’est pourquoi les princes-électeurs formant la Diète s’employèrent à conférer le pouvoir à des personnalités effacées, peu à même de gêner leurs agissements. C’est ainsi que Rodolphe Ier accéda aux plus hautes fonctions en 1273.
Près de deux-cents ans plus tard, un de ses descendants devint Empereur à son tour. Il s’agit de Frédéric III, l’auteur de la devise des Habsbourg, dont la version latine sert de titre à notre article: «Il appartient à l’Autriche de commander à tout l’Univers». Considéré comme le visionnaire de la dynastie, il comprit rapidement que de bons mariages valent souvent bien mieux qu’un conflit armé. C’est ainsi qu’il assit sa domination sur les actuels Pays-Bas en faisant de son fils – Maximilien Ier – l’époux de Marie de Bourgogne, héritière du Royaume de Bourgogne que convoitait Louis XI.
Vinrent ensuite des personnalités non moindres, parmi lesquelles Charles Quint - ennemi juré de François Ier qu’il humilia en le faisant captif – et Marie-Antoinette, épouse de Louis XVI, popularisée par le film de Sofia Coppola.
Un évènement dramatique - qui atteste, s’il est besoin, les indéfectibles liens unissant le destin de cette famille à celui de l’Europe - précipita sa chute: l’assassinat de l’Archiduc Franz Ferdinand d’Autriche le 28 juin 1914 à Sarajevo.
Une si grande histoire pour une architecture presque invisible: une véritable leçon d’humilité qui nous amène, une fois encore, à méditer les écrits de l’historien d’art Élie Faure.